Jardin d'hiver : le compost, promesse des beaux jours
-22°C dehors, la tuque jusqu'aux oreilles et une bonne parka sur le dos j'ouvre la porte qui donne sur le jardin et me fraye un chemin sur le sillon soigneusement creusé dans la neige. Un souffle d'air froid frappe soudain. Puis le calme s'installe. Le ciel brille. Des particules de glace scintillent dans l'air. La nature est endormie. Mais aujourd'hui s'apprête à reprendre vie. Aujourd'hui, c'est le jour où je commence mon compost.
Premiers pas.
Après des années passées à remettre au lendemain, des heures de navigation en ligne et la lecture d'innombrables livres empruntés à la bibliothèque. À essayer de trouver la meilleure méthode pour donner une nouvelle vie à nos déchets organiques quotidiens et les transformer en quelque chose de productif. J'ai impulsivement pris un bol vide au lieu de l'habituel sac en papier qui recueille ces précieux rebuts pour les ajouter à la poubelle organique. Mon bol s'est vu affublé de pelures d'oignons, de trognons de pommes. D'une vieille gousse d'ail toute racornie et d'un assortiment de légumes verts en voie de dégradation avancée qui ne pouvaient décidément plus prendre part au repas de ce soir.
Alors que je vide le contenu plein de promesses dans le bac encore immaculé, une grande satisfaction s'installe pour avoir fait ce tout premier pas. Quelque chose que j'aurais décidément dû faire il y a des décennies. Comme tout jardinier enthousiaste qui ne semble jamais consacrer assez de temps à s'adonner à un passe-temps pourtant si enrichissant, pendant des années j'ai rêvé un jour, moi aussi, avoir accès à volonté à cette ressource inépuisable de riche terre noire, utilisant à bon escient les déchets de cuisine. Une belle ressource pour stimuler de nouvelles plantes et soutenir les quelques-unes déjà établies et qui ont réussi à survivre à des périodes de négligence et à un terrain et une exposition moins que parfaits dans unjardin urbain.
Tout un apprentissage.
En gros, qu'est-ce que j'avais appris jusqu'ici ? Tout d'abord : réfléchir, c'est bien. Mais passer à l'action, c'est mieux. Comme toutes les mesures qu'on prend pour adopter un mode de vie durable, la planification est importante. Mais à un moment donné il faut agir. Passer sa vie à chercher le moyen idéal d'atteindre un objectif ne mènera nulle part si on ne se lance jamais. Ça vous rappelle quelque chose ? Et puis, il est temps de faire tomber quelques barrières. Pas besoin de beaucoup d'espace pour réaliser un bon compost. Et cela peut se faire n'importe où, même en plein cœur de la ville. À condition de prendre certaines mesures pour contrôler tout impact négatif que celui-ci pourrait causer au sein de la communauté.
Le compost a la triste réputation d'attirer les nuisibles et de dégager des odeurs désagréables. Si notre propriété a le privilège d'offrir un coin de verdure, alors un large éventail de créatures y habitent en permanence, qu'on en soit conscient ou non. Avec ou sans compost. La cohabitation avec les espèces fauniques est très importante et le respect de leur habitat ne devrait pas être minimisé. Cependant, la proximité de certaines espèces potentiellement porteuses et propagatrices de maladies reste une réalité qui ne doit pas être négligée, aussi il est important de ne pas encourager certaines espèces à se sentir trop à l'aise dans notre espace vert. Et ceci peut se faire tout simplement en bloquant l'accès à ce buffet à volonté que pourrait représenter un tas de compost. Plutôt facile. On n'a qu'à mettre un solide couvercle par-dessus. Quelque chose qui ne s'envolera pas au premier coup de vent mais qui peut quand même être soulevé facilement au quotidien. Quant à l'odeur, les recherches scientifiques sont unanimes. Les matières organiques n'ont pas tendance à émettre d'odeurs nauséabondes, le seul point important est de s'assurer qu'il n'y a pas de sous-produits animaux, on y reviendra un peu plus loin.
Du sur mesure.
Pour ce qui est de trouver le réceptacle parfait pour établir notre compost, un simple seau fera l'affaire pour un jardin modeste ou pour les petits ménages. Mais attention, ça se remplit vite ! Pour les plus grandes familles ou les fervents amateurs de cuisine, une poubelle classique reconfigurée sera parfaite. On s'assure simplement de percer une quantité généreuse de trous pour une circulation d'air efficace.
Sur ce point d'ailleurs, certains disent qu'il faut aérer le compost en le retournant soigneusement de façon périodique. Mais pas moi, non. J'écoute plutôt Maman. Je vais suivre la bonne vieille méthode de laisser-Dame-Nature-suivre-son-cours. Maman connaît bien son affaire. Elle et Pauline, qui fait son propre compost avec succès depuis des décennies. Et sa méthode bien terre-à-terre (sans jeu de mots) est toute simple et pleine de bon sens. Et elle a le formidable avantage de ne nécessiter aucun entretien. Alors rien de bien compliqué, seulement laisser le plus souvent possible le couvercle du bac ouvert, par une beau soleil ou un jour de grand vent, pour stimuler une bonne aération. On s'assure également que l'environnement reste suffisamment humide, ce qui, disons-le franchement, n'est pas un problème par ici dans nos provinces maritimes avec les épisodes météorologiques qui épicent notre routine à l'année longue… Eh qu'on est chanceux ! Côté entretien donc, un bon bol de vitamines pour nos chères plantes, facile à mettre en place et qui ne demande que très peu d'entretien. La durabilité à son meilleur !
Tracer son propre chemin.
Chaque fois qu'on introduit une habitude durable dans notre mode de vie, il est primordial d'être réaliste. Peu importe combien je veux que cette nouvelle routine soit une expérience réussie, mon enthousiasme s'estompera à long terme si ce n'est pas pratique. Et en ce qui me concerne un entretien minimal est certainement la clé du succès.
Maintenant qu'est-ce qui peut aller dans le tas de compost ? Et bien, comme toujours, le bonheur se trouve dans la variété. Un peu de tout et tout avec modération, du végétal uniquement. On mange jusqu'à 8 bananes chaque jour dans la famille ? Alors on coupe les pelures en petits morceaux pour que ces peaux épaisses puissent se décomposer un peu plus rapidement. On aime se préparer un bon jus d'orange frais pour une dose santé de vitamine C le matin ? Encore une fois, on taille la peau en petites sections et on pense à additionner de temps en temps suffisamment de résidus de jardin ou, mieux encore, un peu de paille, pour en équilibrer le pH.
Des œufs au petit-déjeuner ET au dîner ? Pas bizarre du tout, au contraire, c'est bien ! Les coquilles d'œufs sont un ajout fantastique à un compost, on s'assure simplement de les rincer et de les émietter pour une dissolution plus rapide. Et dans un tout autre registre, on n'oublie pas que les coquilles d'œufs sont un excellent répulsif de surface contre les créatures rampantes côté jardin. On peut donc également choisir de placer ces coquilles de manière logistique tout autour des plantes affectées pendant la belle saison comme moyen de dissuasion naturel et efficace contre les ravageurs.
De bons choix.
Quant à ce qu'il ne faut pas inclure ? Fondamentalement, les interdits sont tous les produits dérivés d'animaux (à l'exception des coquilles d'œufs), les graisses ou les restes de repas car ceux-ci peuvent encore contenir des résidus de viande ou de poisson, même si on a essayé de les isoler auparavant. Techniquement, ils se biodégraderont très bien avec le temps, mais le problème réside dans l'odeur qu'ils génèrent en se désintégrant et donc la tendance qu'ils ont à attirer l'intérêt des rongeurs et de la faune en général, même en plein centre urbain.
De plus, ce n'est que du bon sens, mais il convient de le mentionner tout de même : ce qui n'est pas organique ne peut pas être composté de façon artisanale. Si on est adepte des sachets de thé pour la petite pause de cinq heures, le thé lui-même conviendra très bien au compost mais on devra d'abord le séparer manuellement du sachet car ce dernier n'est pas biodégradable à la maison. Et oui, même s'il est écrit sur l'emballage que c'est faisable. Une raison de plus et une belle opportunité de troquer nos sachets de thé à usage unique pour la version réutilisable (filtre universel ou sachets rechargeables) et d'adopter une nouvelle habitude éco-responsable pour nos infusions quotidiennes ! Non seulement cela aidera l'environnement, mais le thé a bien meilleur goût avec de vraies feuilles. Sans oublier que, côté budget, c'est aussi nettement avantageux alors, que demander de plus ?
Un engrais bio ?
Un fois le temps venu d'incorporer cet engrais à nos plantations, il est toutefois important de ne pas perdre de vue que, à moins que notre liste d'épicerie ne soit strictement bio (et même là, ça reste discutable), les déchets organiques auront vraisemblablement été exposés à des produits chimiques à un moment ou à un autre. À la ferme ou durant le transport. De sorte que notre compost ne sera pas entièrement « biologique » car des traces de ces contaminants subsisteront dans le produit final. Mais il reste que mignoter un compost est tellement plus enrichissant que de se débarrasser bêtement des restes alimentaires… Et puis, de toutes façons, les engrais qu'on se serait autrement procurés en magasin contiennent eux aussi des traces de produits chimiques puisqu'ils proviennent essentiellement de… notre propre bac vert, nos déchets dûment traités, expédiés et revendus pour venir se retrouver à votre porte, alors…
En ce qui me concerne, certes, je vais devoir attendre encore un peu pour découvrir les bénéfices de mon enthousiasme soudain. Le printemps m'apportera une quantité plus généreuse de déchets à recycler et l'été me révélera si ma décision impulsive a effectivement été productive. Mais pour le moment, en plein cœur de l'hiver, c'est toute une récompense que de savoir être en mesure de transformer certains de ces rebuts en trésor organique, alchimie végétale.
Une étape à la fois.
Comme dans tout ce que l'on peut observer dans la nature ou tout ce qui est effectué selon un cycle écologique, la patience est reine. Et il est important de garder foi en nos actions car même les plus petits pas que nous faisons vers un avenir plus vert contribuent à faire de notre monde un monde meilleur. Ils s'additionnent et font toute une différence pour la santé globale de notre planète. Je vais laisser au temps le temps de faire son travail et, en attendant, m'appliquer à ne pas oublier mes ajouts quotidiens pour une récolte prochaine vigoureuse, pour une vie plus saine encore, une étape à la fois.
J'espère que vous trouverez également votre inspiration pour commencer ou recommencer votre compost et participer à cette belle activité qui ne manquera pas d'améliorer véritablement le bien-être de votre espace vert. Bon compostage !