Regard sur nos biens matériels
Regard sur nos biens matériels : l'aboutissement d'un périple de masse
Chaque fois qu'on essaie d'introduire un nouveau concept ou de nouvelles habitudes pour améliorer certains aspects de notre vie, il est important de bien comprendre ce qui motive nos choix. Un rapide regard sur nos biens matériels nous permet de comprendre le parcours des choses qui meublent notre existence. Une étape nécessaire pour se sensibiliser aux enjeux écologiques et se préparer pour un mode de vie durable réussi.
Cheminement et questionnement.
Dans notre quête d'un mode de vie plus durable et plus vert, on se retrouve inévitablement confronté aux concepts de base des valeurs écologiques : éliminer les articles à usage unique, privilégier la conservation des ressources, utiliser des énergies renouvelables, acheter local, etc. Acheter local ? Bien sûr, pourquoi pas ! Mais pour quelle raison encore ? En quoi l'importation de marchandises pose-t-elle un problème exactement ? Concrètement, comment le fait de s'approvisionner sur le marché local va-t-il contribuer à l'amélioration de la santé de notre planète ?
Commençons par poser un regard sur nos biens matériels et à nous intéresser au parcours des objets qui nous entourent ici même, à la maison, pas besoin d'aller bien loin.
Déclencher un processus.
Admettons qu'on ait décidé de se faire plaisir et de s'offrir une nouvelle tasse pour commencer la nouvelle année du bon pied. Par le biais d'un marchand en ligne on trouve donc un joli petit modèle qui nous plaît bien. Le prix est raisonnable, 10 dollars taxes incluses, livraison gratuite. On aime, vendu. On passe commande.
Alors maintenant, bien que le concept ait été amplement simplifié dans l'intérêt de l'exercice, tentons de retracer un peu le voyage de notre tasse…
Satisfaire la demande.
Le marchand en ligne demande à l'usine de fabrication (en l'occurrence située à l'étranger, pour la tasse que nous avons choisie) de lui fournir l'article sélectionné. L'usine débute donc le processus de fabrication de la tasse. Ceci est, bien entendu, un flux incessant plutôt qu'un processus de fabrication sur commande. Mais passons.
Les céramiques de grande série sont de nos jours modelées à partir de mélanges industriels composés de plusieurs éléments en poudre et d'une base liquide, puis recouvert d'une couche de finition. Les matières premières sont donc commandées auprès des fournisseurs. Elles sont manutentionnées, emballées et expédiées vers l'usine de fabrication par divers moyens, avec une empreinte écologique de taille, impliquant une consommation d'énergie importante. Parmi les ressources nécessaires figure l'utilisation d'électricité pour alimenter entre autres les conteneurs d'expédition et les équipements de chargement. On peut aussi mentionner l'utilisation de sous-produits pétroliers – avec émissions associées de gaz à effet de serre – pour le transport des matériaux, et bien bien plus encore. Ceci constitue l'éco-empreinte de transport initiale de notre tasse.
Empreinte écologique exponentielle.
Ainsi donc, les matériaux de base sont reçus et prêts à être traités par l'usine. L'usine elle-même a besoin d'énergie pour faire fonctionner ses machines, ses lumières, ses systèmes CVC et tout le reste afin de respecter les normes de santé et de sécurité, alors que des milliers d'ouvriers travaillent à la chaîne pour satisfaire aux exigences de production. Tout au long du processus, des déchets sont générés sans relâche. Ils nécessiteront d'être pris en charge par la suite, engendrant une nouvelle fois traitement, emballage et manutention supplémentaires.
Une fois fabriquée, notre tasse est emballée et envoyée dans un entrepôt (jusque là toujours situé à l'étranger) pour y être stockée. Son emballage implique la production de matériaux de conditionnement, bien entendu. Lorsque ceux-ci ne sont pas produits sur place, ils s'inscrivent alors dans le ballet incessant de manutention-emballage-expédition de matériel en direction de l'usine de fabrication, avec une prise en charge ultérieure des déchets générés, une fois de plus, par ce processus.
Pour revenir à l'entrepôt de stockage, il émet lui aussi sa propre empreinte écologique, et assez considérable merci. Nécessitant nombre ressources, énormément d'énergie, entre autres, pour alimenter lumières, systèmes de ventilation, chauffage/réfrigération le cas échéant, etc. Ceci constitue l'éco-empreinte d'entreposage initiale de notre tasse. Depuis l'entrepôt, notre tasse dûment emballée est expédiée via le réseau du distributeur du vendeur, au moyen de modes de transport appropriés : transport routier, ferroviaire, aérien, maritime, et que sais-je encore (re : éco-empreinte de transport, prise 2).
Une fois le port de destination atteint (disons le Port d'Halifax), la tasse attendra dans un entrepôt du port (re : éco-empreinte d'entreposage, prise 2) aux côtés de millions d'autres produits à expédier au centre de distribution le plus proche de la destination finale.
La tasse sera à nouveau acheminée par le moyen de transport le plus pertinent (Re : éco-empreinte de transport, prise 3), puis stockée au centre de distribution local (infrastructures de Burnside par exemple) (re : éco-empreinte d'entreposage, prise 3).
À partir de là, elle sera — enfin — livrée au client (re : éco-empreinte de transport, prise 4), si tout se passe bien.
Arrivée à bon port.
Notre tasse vient juste d'arriver à la maison. C'est formidable ! Et quel voyage s'achève. Quelle longue liste de ressources s'évaporant dans les airs pour qu'une tasse entre enfin dans notre foyer.
Mais ce n'est pas tout. Nous n'avons qu'effleuré les tenants et les aboutissants du parcours de nos biens. Revenons brièvement à l'usine de fabrication.
Le facteur économique.
Sa demande en matériaux et en ressources est prodigieuse. Les usines nécessitent des quantités d'énergie astronomiques pour fonctionner adéquatement. Pour être rentables et compenser les coûts associés à la production, les articles doivent atteindre un bassin plus large d'acheteurs potentiels. Et un prix abordable est un moyen sensé d'y parvenir.
L'aspect de la durabilité.
Alors, à mesure que la production augmente, la qualité, elle, va s'amoindrir afin que l'opération reste rentable. Résultat des courses : le produit final n'est pas conçu pour durer. Cela se traduira éventuellement par le fait que l'article devra être remplacé à un moment donné - plus tôt que tard - pour inaptitude. Et cela créera éventuellement le besoin d'acheter un substitut…
On a donc notre tasse. On l'utilise encore et encore jusqu'à ce que le dessin commence à s'estomper, que des fissures apparaissent sur le glacis, que la poignée finisse par se briser après quelques mois. Tellement décevant. On l'aimait bien quand même. Mais attendez ! Elle ne coûtait que 10 dollars après tout. Celle-ci peut bien aller à la poubelle, et on en commande une autre ! Et ainsi de suite.
Maintenant, regardons les choses en face. Nos décharges regorgent de ces articles défectueux. Certains d'entre eux sont biodégradables ou du moins recyclables, la plupart ne le sont pas. On alimente constamment notre problème avec des déchets en ravitaillant de plein gré une société de consommation hyperactive.
Changer notre perspective.
De poser un regard honnête sur nos biens matériels en lisant ces lignes nous fera réaliser combien de ces objets on a acquis au fil des ans. Et quel impact on a eu sur notre environnement jusqu'à présent. Cette petite règle posée sur le bureau ? Achetée 2 dollars au magasin à rabais il y a 3 mois ? Eh bien, les chiffres commencent bien à s'estomper, c'est vrai. Et le plastique commence à se fissurer un peu… Elle va probablement se casser dans les prochaines semaines. Mais bon, ce sera facile à remplacer, à peine 2 dollars… Tout va bien ?
Et bien non, bien sûr que non ça ne va pas. Le coût écologique de cet objet est infiniment plus élevé que ce que chacun d'entre nous peut se permettre. Et c'est notre planète qui en paye le prix. Par-dessus tout, on doit réaliser que les enjeux sont plus importants que le simple article envoyé au rebut. Le problème ne réside pas seulement dans le fait de participer à la croissance de nos dépotoirs en y ajoutant notre tasse brisée ou notre règle défraîchie. L'enjeu va plus loin. Il s'agit de toutes ces ressources qui ont été utilisées et qui sont continuellement gaspillées dans le processus incessant de fabrication de ces articles que nous jetons.
Un nouveau départ.
Comprendre le parcours des choses, le parcours de NOS choses, comprendre d'où viennent tous nos effets personnels nous aide à adopter une nouvelle perspective sur certains aspects que nous n'aurions peut-être pas envisagés auparavant. Et voir la situation mondiale sous cet angle ne devrait pas être déprimant mais plutôt éclairant, révélateur. Pour qu'on puisse prendre de solides mesures vers la durabilité et initier le changement. Ce qui a déjà été fait doit être corrigé. Mais on a encore le pouvoir d'améliorer ce qui vient ensuite, pour s'assurer que ce sera effectué d'une façon plus judicieuse et plus durable.
Alors on commence à petits pas et de façon réaliste. On prend le virage vert et on explore les tenants et les aboutissants de la durabilité.On fait de petits changements dans notre vie de tous les jours. Et on continue à introduire des habitudes plus vertes, plus saines, une à la fois. Pour un monde meilleur, aujourd'hui comme demain.